PRENDRE LA SCIENCE À LA RACINE, LA RENDRE ACCESSIBLE À TOUS
Dès le plus jeune âge, Kévin Candelier est attiré par la nature qui l’entoure, et particulièrement les arbres. Élève moyen, il fait le minimum pour passer en classe supérieure mais découvre l’apprentissage par la pratique et l’expérimentation en préparant un bac STI génie civil, où il prend goût à l’ingénierie. « Passer d’une graine à une plante, à un pont ou un immeuble, j’ai toujours trouvé cela fascinant », raconte-t-il. Après une classe préparatoire qui lui apprend beaucoup sur lui-même et sur ses capacités de travail, Kévin intègre l’École Nationale Supérieure des Technologies et Industries du Bois (ENSTIB) à Épinal.
« Durant mon parcours d’élève ingénieur, je suis tombé amoureux des pays et des arbres tropicaux » (notamment lors d’un stage de sensibilisation à la déforestation au Ghana). « J’ai pris conscience que le bois et les autres biomasses ligneuses représentaient des ressources très importantes qui peuvent répondre à de nombreux besoins locaux et sociétaux, partout dans le monde (matériaux, énergie, substances médicinales, etc.) »
Ces thématiques constituent aujourd’hui les principales activités de recherche, d’expertise et d’enseignement/formation de Kévin, qui a fait son doctorat au sein d’un laboratoire de recherche sur le matériau bois (LERMaB, Université de Lorraine, Nancy) autour des procédés de modification thermique des bois locaux, améliorant leur résistance fongique et leur hydrophobie, pour des utilisations en matériaux.
Selon Kévin, son métier a trois points forts : être au cœur de la nature et comprendre son milieu, pouvoir voyager à la rencontre d’autre cultures et modes de vie, et exercer son métier « comme un jeu », à l’image des livres pour enfants Cherche et trouve. C’est de cette manière que le chercheur a présenté son activité aux classes de Creil qu’il accompagnait cette année en tant que mentor scientifique du programme Savanturiers. Lorsqu’il a reçu un mail du CIRAD, cela a été une évidence pour Kévin. L’approche Savanturiers rejoignait totalement la sienne, lui qui est aujourd’hui impliqué en tant que membre du comité de pilotage et de l’équipe pédagogique du master en sciences du bois de l’Université de Montpellier, dont la première rentrée aura lieu en septembre.
« La pédagogie active et apprenante par projets, la mise en situation et la réponse à une problématique, le fait de rendre l’élève actif sont des points communs (…) L’élève de CP comme celui en bac +5 peut être acteur de son apprentissage. »
Pour sa première année en tant que mentor, Kévin accompagnait six classes en REP, à Creil. Les CM1 et les CM2 ont travaillé sur la sensibilité des arbres, et leur communication avec les autres espèces. Les CP et les CE1 se sont concentrés sur la croissance des arbres, à partir d’observations sur la sève et la résine. Kévin a d’ailleurs été particulièrement marqué par des hypothèses très pertinentes formulées par les élèves – notamment sur les usages de la sève et de la résine (dont le miel, la colle, le sucre).
« Tout ce qu’ils ont cité, ce sont des usages que l’on peut faire. C’était bluffant. ».
Avec les plus jeunes, Kévin a travaillé sur une courbe de croissance pour montrer le lien entre la croissance d’un arbre et leur propre croissance d’enfant. Au-delà des échanges virtuels, le chercheur a eu la chance de se rendre à deux reprises dans les classes avec lesquelles il a travaillé: pour se présenter et rencontrer les enfants – moment le plus marquant pour Kévin – puis pour échanger avec eux, élaborer des questions de recherche, et faire des essais de plantations à l’école.
« A la fin de leur projet, les élèves de CP-CE1 et leurs enseignantes ont planté leurs petits noyers dans la cour. Apparemment, certains élèves ont reproduit ces expériences chez eux par la suite ! » se réjouit Kévin. Cette adoption de la démarche scientifique, de la pratique des sciences, est vitale à ses yeux.
« Avant, on apprenait le savoir, l’histoire des sciences (avec Curie, de Vinci, Einstein). C’était intéressant pour la culture générale, mais il y avait peu d’intérêt pratique. Les propositions de recherche et d’apprentissage par les sciences du CRI sont en lien avec le monde d’aujourd’hui. Les élèves sont motivés, passionnés et voient l’intérêt et l’impact de leurs travaux. »
Le travail en groupe, le partage des expériences avec leurs proches, et la communication de leurs résultats donnent aux élèves une véritable confiance en eux selon Kévin. Par leur démarche de recherche, ils se trouvent connectés au monde qui les entoure. « À cet âge-là, ils ont besoin de toucher, d’être en immersion avec ce qu’ils étudient. J’aurais aimé faire de tels travaux pratiques à leur âge ! ».
Au fil des expérimentations, l’image du savant fou dans sa cave s’édulcore au profit d’une science plus accessible. Kévin est très sensible à cette question : c’est une mission qui le tient vraiment à cœur, lui qui tente par différents moyens de faire connaitre la science à tous les publics. Kévin, Ange Ansour et les enseignants des classes de Creil ont d’ailleurs écrit un article scientifique qui sera publié dans la revue Bois et Forêts des Tropiques cette année. L’idée est de montrer l’intérêt de faire l’enseignement des sciences à l’école, et Kévin en est un excellent porte-parole :
« Notre changement de comportement à l’égard de l’environnement, et le fait de se résoudre à adopter de nouveaux modes de vie ne peuvent passer que par l’éducation des jeunes. Ce sont eux qui vont faire changer les choses. »
Un portrait de Marie OLLIVIER