Entretien avec Magali Mas, Maître de Conférences en biologie à Université Paris Cité, enseignante dans la Licence Frontières du Vivant au Learning Planet Institute.
Qu’est-ce qui vous inspire et a motivé votre parcours ?
J’ai toujours été attirée par deux secteurs d’activités : la biologie médicale et l’enseignement. J’étais convaincue qu’un jour il me faudrait choisir entre l’une ou l’autre voie. Je n’avais pas conscience de leur complémentarité évidente. J’ai validé un cursus universitaire classique : Bac scientifique, LMD à l’Université Paul Sabatier (Toulouse 3). J’ai effectué ma thèse dans un laboratoire de l’INSERM. Ma première expérience dans l’enseignement s’est déroulée en seconde année de thèse : j’ai assuré des TD et TP de génétique mendélienne. Une révélation. Dès lors, j’ai orienté mon parcours dans l’objectif de devenir Maître de Conférences. Enseigner et chercher représente une charge de travail et un investissement important. Un double métier. Mais je garde un excellent souvenir de toutes ces années. Émulation scientifique, réflexions passionnantes, partage et transmission du savoir. Enseigner une thématique sur laquelle on travaille permet de prendre du recul sur son projet de recherche, de l’aborder sous un autre angle, de développer une vision différente.
J’ai obtenu un poste de maître de Conférences à l’Université René Descartes (Paris 5) – actuellement Université Paris Cité. Je participe toujours à des travaux de recherche à l’INSERM. Ma charge d’enseignements s’est enrichie et diversifiée au fur et à mesure des années, et représente maintenant une part importante de mon activité professionnelle. J’enseigne dans différentes composantes et UFR, la biologie cellulaire et moléculaire, la génétique, l’immunologie, les méthodologies…
ENSEIGNER DIFFÉREMMENT
Que vous apporte le fait d’enseigner à la Licence FdV (LFdV) ?
Enseigner est une vocation. Exercer cette profession est tout sauf linéaire. A l’image de la société, les publics évoluent. Un enseignant actualise sa méthodologie : il se réinvente, adapte sa pédagogie, innove, expérimente des outils pédagogiques parmi une multitude qui sont à sa disposition (nouvelles technologies…).
J’ai intégré la licence Frontières du Vivant il y a 6 ans. Je suis actuellement professeur de biologie, responsable d’UE, coordinatrice de projets et jury de sélection. J’apprécie la diversité de ces fonctions.
A la licence Frontière du Vivant, les étudiants deviennent « acteurs » de leurs apprentissages. Ces derniers ne s’effectuent pas de façon unilatérale suivant un schéma vertical de l’enseignant vers l’étudiant. On assiste à une refonte de la position de l’enseignant vis-à-vis de ses étudiants. Les échanges en sont d’autant plus enrichissants et formateurs, à la fois pour les étudiants et pour les professeurs. Quand on est passionné, on l’est encore plus. C’est un cercle vertueux.
Les particularités – ou multiples facettes – d’une formation telle que la Licence Frontières du Vivant ne pourraient exister sans l’investissement et le professionnalisme de toute une équipe – David, Virginie, Typhaine, Patricia, Mahendra et autres enseignants, coordinateurs pédagogiques, responsables de licence, responsables d’UE et responsables de projets….. Autant de personnalités et de compétences diverses qui concourent à la dynamique de la Licence.
Ici, le « travailler ensemble » prend toute sa dimension.
Diriez-vous que vous avez une plus grande liberté d’enseigner ?
Oui. Les conditions pour enseigner et étudier à la licence nous permettent de bénéficier d’une liberté d’innovation, de proposer des approches pédagogiques différentes propices à un travail de qualité. Le budget de la Licence contribue à construire des enseignements théoriques et pratiques de très bon niveau. Les faibles effectifs de chaque promotion (environ 30 étudiants) permettent de proposer un suivi quasi-personnalisé. Nous connaissons chacun de nos étudiants.
Nos échanges sont fréquents. En fin de session, les étudiants font un retour sur le contenu, la forme, la qualité des enseignements qu’ils reçoivent. Cela contribue à améliorer notre méthodologie.
Les échanges au sein de l’équipe pédagogique sont également réguliers afin de permettre une articulation et une cohérence des enseignements notamment ceux pluri- et interdisciplinaires. En tant qu’enseignants, nous sommes accompagnés et soutenus. C’est avec plaisir que nous aboutissons à la concrétisation de nos objectifs pédagogiques.
Quels outils pédagogiques innovants mettez-vous en place au sein de la Licence ?
Enseigner ne se limite plus uniquement à une transmission des savoirs mais également à l’acquisition de compétences à la fois disciplinaires (plus particulièrement pluridisciplinaires et interdisciplinaires à LFDV) et transversales. Apprendre à apprendre, s’ouvrir au monde, développer la curiosité et la créativité permet d’accroître le champ des possibles.
La classe inversée. Les étudiants ont déjà pris connaissance de leur cours en arrivant en classe. Cette dernière se déroule sous la forme de questions-réponses, certaines notions complexes sont à nouveau expliquées.
Les méthodes d’auto-évaluation ou d’entrainement en ligne. Les étudiants peuvent ainsi vérifier “en temps réel” l’acquisition des connaissances.
La construction de projets pluri- et inter-disciplinaires. Des projets de recherche s’articulant autour d’une problématique en biologie, sont confiés aux étudiants sur 1 ou plusieurs semaines. Pour mener à bien ces projets, les étudiants doivent associer à la dimension biologique des notions en chimie, statistiques et bio-informatique .
La mise à disposition de cours magistraux enregistrés. La possibilité d’écouter plusieurs fois un même cours peut contribuer à une meilleure compréhension des notions abordées. Ce dispositif s’accompagne ensuite d’un échange avec les étudiants afin de répondre à leurs questions.
A l’aide des différents outils pédagogiques et méthodologiques, les étudiants prennent rapidement conscience qu’ils sont acteurs de leurs apprentissages. Ils acquièrent les compétences du « savoir apprendre » et deviennent de plus en plus autonomes.
Enseigner à la Licence FDV, dans les locaux du Learning Planet Institute, m’a permis de découvrir le service SAPIENS. Ce service d’accompagnement de pédagogie universitaire, a répondu à mes besoins. Je souhaite améliorer, faire évoluer mes enseignements. SAPIENS permet de valoriser l’implication et la motivation des enseignants à se former à la pédagogie et à transformer leurs pratiques d’enseignement.
Vous aviez donc déjà les bases pour l’enseignement à distance auquel vous avez été obligée de vous soumettre cette année. La pandémie vous a tout de même poussée à adapter vos méthodes. Que retirez-vous de cette période ?
Avant la pandémie, j’enseignais peu en distanciel. Donc, je ne peux pas vraiment dire que j’étais préparée à une telle situation. Au cœur de la crise sanitaire et de ses confinements, les enseignants ont dû très rapidement (1) modifier leur façon d’enseigner et (2) réfléchir à maintenir la motivation des étudiants. N’oublions pas que cette période a été très anxiogène pour tous. La détresse psychologique et/ou matérielle des étudiants était palpable dans les différentes composantes universitaires.
Nous avons dû nous adapter à des conditions nouvelles d’enseignement. Par exemple, j’ai découvert la plateforme JoVE (Journal of Visualized Experiments) qui nous permet de pallier à l’impossibilité d’effectuer des travaux pratiques en présentiel. Il s’agit d’une banque de plus de 10 000 vidéos qui expliquent notamment les concepts, les techniques et méthodes expérimentales scientifiques. Cet outil didactique est très complémentaire d’un cours magistral ou de Travaux Pratiques.
La politique d’accompagnement des étudiants au sein de la Licence FDV a permis que ces derniers soient « moins » impactés. Des « debriefings » ont été effectués très régulièrement.
UNE LICENCE PLURI ET INTERDISCIPLINAIRE QUI FAVORISE L’EXPÉRIENCE
Quelles sont les spécificités d’une formation interdisciplinaire ?
Dans la LFDV, les « barrières » entre les disciplines sont « supprimées ». Si les étudiants doivent savoir travailler ensemble, les enseignants des différentes disciplines en font tout autant.
Dans un premier temps, chaque discipline est enseignée individuellement afin d’acquérir un socle de connaissances théoriques. Cette « base » permettra ensuite à l’étudiant de construire une réflexion dans des projets pratiques intégrant plusieurs disciplines.
Un projet de plusieurs semaines a notamment été mis en place et intègre des concepts à la fois de biologie, chimie, bio-statistiques et bio-informatique.
La Licence est “orientée projet”, pouvez-vous nous en dire plus ?
Les étudiants travaillent sur de nombreux projets pratiques « sur site » au sein du Learning Planet Institute mais ils effectuent également des stages intégrés à leur cursus dans des laboratoires en France ou à l’étranger. La formation à LFDV inclut toute une réflexion sur le monde professionnel dont feront partie nos étudiants.
La Licence FDV est une chance.
Pouvez-vous décrire un exemple de projet de recherche pluri- et interdisciplinaire à la LFDV ?
Par exemple, en L1, nous proposons un projet de recherche pluridisciplinaire qui se déroule en plusieurs séquences tout au long de l’année universitaire. Patricia Busca, directrice des études, David Jung, coordinateur pédagogique de la L1, Mahendra Mariadassou, professeur de mathématiques-biostatistiques, Ernest Mordre, professeur d’informatique, Yohann Corvis, professeur de chimie et moi-même coordinatrice du projet et professeur de biologie ainsi que d’autres enseignants vacataires ou moniteurs se sont investis dans ce projet. Le monde du vivant est abordé à différentes échelles : histologique, cellulaire puis moléculaire. Les étudiants initient une réflexion scientifique alliant plusieurs disciplines puis répondent à la problématique posée par une approche pratique.
DÉVELOPPER LA CURIOSITÉ INTELLECTUELLE ET LA CAPACITÉ À TRAVAILLER ENSEMBLE
Vous faites partie du jury de sélection des futurs étudiants de la Licence. Les étudiants ont-ils une “particularité Learning Planet Institute” ?
La LFDV est très sélective puisqu’il n’y a que 30 places par promotion. Dans la Licence FDV, les candidats doivent avoir la capacité de suivre un rythme de travail soutenu. Les enseignements étant pluridisciplinaires et ouverts sur le monde, les candidats doivent posséder un bon niveau en sciences (biologie, physique-chimie et mathématiques) et en anglais. La motivation, la curiosité scientifique, l’esprit créatif et l’envie de travailler en groupe sont également recherchés.
La capacité à collaborer, à travailler ensemble est-elle essentielle ?
C’est primordial à la Licence. Il s’agit d’une des compétences transversales sur laquelle nous travaillons. Les travaux de groupes sont fortement encouragés.
Le parcours de vie de l’étudiant compte-t-il autant que son expérience scolaire ?
Tout à fait. Étudier en Licence FDV représente une charge de travail conséquente. Le niveau du dossier scolaire est évidemment pris en compte dans la sélection (notes, appréciations des professeurs, recommandations….). Parallèlement, les expériences périscolaires, les centres d’intérêt et le parcours de vie du jeune lycéen qui candidate sont considérés avec la même attention. Nous portons une attention particulière aux candidats boursiers, ou bénéficiant d’aménagements spécifiques.
En conclusion, comment résumeriez-vous la Licence ?
Les publics étudiants évoluent à l’image d’un monde professionnel en perpétuel mouvement. Les objectifs et contenus pédagogiques de la Licence FDV répondent aux impératifs sociétaux, à leurs enjeux et leurs contraintes. Et quelle satisfaction d’observer la réussite des étudiants dans la poursuite de leurs études et de leurs parcours professionnels !