[COMMUNAUTÉ] Portrait d’Élodie Dandelot, docteure en génétique et médiatrice scientifique




FAIRE DE LA MÉDIATION SCIENTIFIQUE SON ADN



Élodie Dandelot est docteur en génétique et chargée de l’animation des programmes Éducation et Science et Société à l’Institut Imagine. Lors de sa quatrième année de doctorat, elle a travaillé dans le cadre des Savanturiers avec une classe de CP-CE1 à Paris. Grâce à cette expérience, Élodie a appris à s’adresser, non plus à ses pairs chercheurs mais à des enfants de six ans, pour parler de science. Une mission de médiation et de vulgarisation qui l’anime et marque son parcours. Rencontre.


Élodie Dandelot vient du Sud-Ouest, non loin de Bordeaux. Petite, elle veut être médecin ou archéologue, et se dirige assez naturellement vers la santé, avec une interrogation latente « Pourquoi les gens vont-ils sur la lune alors qu’on n’est pas capables de guérir certaines maladies ? ». À l’époque, dans les années 1990, la vulgarisation de la recherche se fait encore rare. Après le baccalauréat, Élodie fait une licence de biologie à Bordeaux. Elle le sait désormais : elle étudiera la génétique humaine, ou rien. « J’étais émerveillée. Avec quatre lettres, on a tous les êtres vivants de la terre, c’est fantastique ! ». Après avoir tenté – sans grand espoir – d’intégrer Jussieu, elle est prise avec brio et intègre la faculté. Élodie effectue son stage de master à l’Institut Imagine (Institut des maladies génétiques basé sur le campus de l’hôpital Necker, dans le 15ème arrondissement de Paris) et y fait sa thèse dans la foulée. Son sujet de recherche porte sur la compréhension des mécanismes de l’instabilité de l’information génétique impliquée dans la Dystrophie Myotonique de type 1 (DM1, Maladie de Steinert). Élodie conçoit, réalise et interprète des protocoles scientifiques : elle développe même une technique permettant de réduire drastiquement les coûts et le temps nécessaire d’un protocole, le rendant ainsi plus accessible à la communauté scientifique.

J’ai appris quelque chose grâce à l’esprit critique de ces enfants qui ne me croyaient pas moi, mais croyaient seulement l’expérience : le job était accompli.

C’est au cours de sa quatrième année de doctorat qu’elle intègre le programme Savanturiers du CRI (aujourd’hui Learning Planet Institute). Elle organise des ateliers dans une classe de CP-CE1 dans le 18ème arrondissement de Paris. « Moi, thésarde… Je me suis dit : qu’est-ce que je vais faire avec des gamins de CP ? Certains ne savaient pas lire, pas écrire, d’autres ne parlaient pas français… ». Un vrai défi pour Élodie, qu’elle a relevé avec joie. La chercheuse a mené avec eux des expériences très simples, très salissantes aussi (la maîtresse s’en souvient encore). Les élèves ont analysé le goût et les couleurs, ils ont fait des chromatographies pour distinguer différents composants ou encore réalisé des expériences sur les corps gras présents dans les aliments. « Un jour, l’un des pitres de la classe s’est mis en colère contre moi. Je jurais que les pommes ne contenaient pas de corps gras. Il m’a dit « je ne vous crois pas, regardez » : la pomme, frottée contre un papier, laissait en effet une trace de gras comme sur les emballages papier des viennoiseries. J’ai compris grâce à cet enfant que c’était la cire que l’on applique sur les pommes pour qu’elles luisent dans les supermarchés qui transparaissait dans cette tâche de graisse. » Élodie et les enfants ont vérifié avec un témoin négatif : l’eau, qui, bien entendu, ne présentait pas de trace de gras. « J’ai appris quelque chose grâce à l’esprit critique de ces enfants qui ne me croyaient pas moi, mais croyaient seulement l’expérience : le job était accompli. »

Les élèves eux-mêmes ont évidemment beaucoup appris. Élodie avait apporté un vieux microscope, dans lequel ils ont pu observer leurs cellules : ils avaient au préalable gratté l’intérieur de leurs joues. Élodie se souvient en particulier d’une petite fille très étonnée de comprendre que son corps était constitué d’une multitude de cellules : «  À six ans, on n’a pas encore conscience que le corps humain est un ensemble de choses, on pense que c’est une unité. Grâce à cette machine, elle a non seulement vu ce qu’on ne voit pas à l’œil nu, mais elle a compris que la matière était composée de multitudes de petites choses. » Les enfants ont non seulement appris la démarche scientifique (« ils n’étaient jamais dans la description », explique Élodie, toujours dans la pratique) et ont, grâce à cette démarche, développé des connaissances par eux-mêmes. La scientifique n’a pas hésité à apporter pipette et autres objets insolites du laboratoire, pour leur montrer ce qu’était la recherche, la science, les faire tester. Les enfants ont même fait une visio avec Élodie, qui leur a fait visiter le laboratoire à distance. « Certains m’ont dit « C’est pas un travail, bah non, c’est rigolo… » Ça en dit long sur l’image qu’ils ont du travail ! », ironise-t-elle.

On ne nous apprend pas en tant que scientifique à dire qu’on ne sait pas.

À la conférence WISE sur l’éducation, à laquelle elle a participé, Élodie n’a pas hésité à parler du projet. Puis elle a continué son travail de médiation et de vulgarisation scientifique auprès d’autres publics. En 2020, elle a réalisé une mission de médiation auprès du grand public au Palais de la Découverte. « En congrès entre pairs, on parle notre langage. C’est très facile, très convenu. On sait comment ça va se passer. À l’inverse, un gamin de 6 ans on ne sait pas vraiment comment il va réagir… Le grand public, c’est la même chose. » Au début de la pandémie, des personnes lui posaient des questions d’ordre médical au Palais de la Découverte. Elle savait répondre à un certain nombre d’entre elles, d’autres moins. « Globalement, on ne nous apprend pas en tant que scientifique à dire qu’on ne sait pas. On va essayer de contextualiser, de trouver des pistes de réflexion dans des expériences et publications qui ont un lien… Dire juste « on ne sait pas » sans rien de plus, c’est ce qui est très difficilement concevable tant pour soi que pour le public ». Une idée que défend Élodie : elle explique qu’il faudrait parfois plus facilement admettre qu’on n’a pas tous les éléments de réponse, faire en somme preuve d’humilité. Même si les scientifiques peuvent et doivent éclairer les gens sur certaines questions. C’est aussi cela le défi de la médiation scientifique selon Élodie : gérer un public, un niveau de discours : « On ne sait jamais qui on a en face. Dans la médiation, il y a certes une part d’inné, de prédispositions, mais pas que. Il y a une part d’apprentissage également, il faut se former un minimum pour pouvoir s’adresser à des publics différents ».

Aujourd’hui, Élodie est chargée de l’animation des programmes Éducation Science et Société au sein de l’Institut Imagine, et poursuit ainsi son parcours de médiatrice. L’Institut a une mission d’ouverture au grand public et un véritable rôle sociétal. « Les chercheurs ont à cœur de partager, les associations de patients veulent échanger, et on accueille aussi des scolaires » Élodie conclut qu’elle fait aujourd’hui de la médiation d’un autre genre, en faisant valoir avec des doctorants d’Imagine les expériences menées par l’Institut auprès de classes, en créant de la vie dans le quartier autour des maladies génétiques… « L’objectif est de créer des vocations pour les sciences, de démystifier ce qui se passe dans les laboratoires. » On ne pourra pas dire que la transmission et la médiation ne font pas partie de l’ADN d’Élodie !


Un portrait de Marie OLLIVIER

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