[COMMUNAUTÉ] Portrait d’Ana-Maria Lennon-Duménil, directrice de recherche, directrice d’unité de recherche, et enseignante




OBSERVER LES CELLULES, ACCOMPAGNER LES ÉTUDIANT·E·S



Ana-Maria Lennon-Duménil est directrice de recherche à l’Inserm et dirige l’unité de recherche Immunité et Cancer (U932) de l’Institut Curie. Née au Chili, elle grandit en France et s’intéresse très jeune à la recherche et aux sciences. Passionnée par la vie des cellules, elle fait une thèse en immunogénétique à l’Institut Pasteur, avant de partir pour Harvard. Au Learning Planet Institute (ex-CRI), entre 2012 et 2020, Ana-Maria enseigne et accompagne les étudiant·e·s en Master dans leur démarche de recherche. Elle en garde un excellent souvenir, dans un environnement particulièrement riche et ouvert. Portrait.


Ana-Maria Lennon-Duménil est née au Chili. Fille de réfugiés politiques, elle arrive en France à l’âge de quatre ans. Elle y grandit jusqu’à ses 18 ans. Très curieuse, Ana-Maria souhaite comprendre les choses invisibles, tout ce qui bouge, qui est adaptable, modulable, et en interaction avec son environnement. Elle est assez naturellement attirée par les sciences du vivant. Cela tombe bien : avec une tante chercheuse au CNRS, Ana-Maria a la chance de visiter des laboratoires. C’est décidé, elle aussi sera chercheuse.

À 18 ans, Ana-Maria retourne au Chili pour y faire ses études. « C’était un cadre idéal, idyllique. Nous étions peu mais nous travaillions beaucoup dans les laboratoires. Ils étaient certes moins reconnus qu’en France, mais les scientifiques y étaient tout aussi passionnés et compétents. »

Après des études pendant lesquelles elle explore la génétique, Ana-Maria revient en France. Elle fait sa thèse en immunogénétique à l’Institut Pasteur, sur le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH, MHC en anglais, groupe de molécules qui servent à la reconnaissance des marqueurs du soi). Pendant sa thèse, Ana-Maria rencontre son mari. Puis ils s’envolent tous les deux pour les États-Unis, à l’Université Harvard, où Ana-Maria travaille toujours sur le CMH, en se demandant comment les molécules présentent des antigènes.

« J’aime les cellules, j’aime les regarder faire leur vie et me demander comment elles interagissent avec leur environnement. »

À son retour en France, Ana-Maria découvre à l’Institut Curie l’imagerie dynamique, qui la passionne. Lorsqu’elle voit le premier film de cellules, qu’elle découvre l’approche d’imagerie cellulaire qualitative, c’est le déclic. « C’était ça que je cherchais depuis le début ». Elle démarre alors une collaboration avec le chercheur Matthieu Piel sur la motilité des cellules immunitaires.

Cette rencontre sera déterminante pour la suite de son parcours. « Matthieu m’a ouvert à l’interface physique-biologie, et c’est devenu une passion. ». En interaction avec un laboratoire de biologie cellulaire pour la première fois, elle découvre la mécanobiologie. « Si j’écrase une cellule, elle va se modifier, bouger, s’adapter… Les cellules du système immunitaire se déforment et, se transforment lorsqu’elles se déplacent et interagissent avec d’autres cellules », explique-t-elle.

« J’aime les cellules, j’aime les regarder faire leur vie et me demander comment elles interagissent avec leur environnement. On veut un système immunitaire très réactif, très alerte qui prend en compte les aspects physiques de l’environnement. Le système immunitaire ne doit pas non plus être trop sensible, ce qui pourrait générer des réactions auto-immunes, contre le « soi ». C’est un équilibre très fascinant. »

Ana-Maria n’hésite pas à faire le parallèle de la vie des cellules avec sa propre expérience lorsqu’elle est arrivée en France à quatre ans. « C’est un bon vieux réflexe d’immigrée peut-être. Celui de l’adaptation à un milieu nouveau dans lequel on se doit de survivre. »

Ana-Maria Lennon-Duménil, Matthieu Piel et Raphaël Voituriez (physicien théoricien travaillant à l’UPMC) ont ouvert une ligne de recherche jusqu’alors inexplorée sur les mécanismes qui permettent aux cellules dendritiques, sentinelles de l’immunité, d’adapter et de coordonner leur fonction avec leur migration dans le temps et dans l’espace. Leurs travaux ont en fait significativement contribué au développement de la discipline, même si, très humble, ce n’est pas Ana-Maria qui en parle (ils ont pourtant publié dans de très prestigieuses revues comme Science, Cell, Nature Cell Biology etc.).

Plus tard, à l’Institut Curie, elle rencontre une autre chercheuse, Danijela Vignjevic, qui est également professeure au CRI (aujourd’hui Learning Planet Institute) en Master 2 AIRE. Spécialisée en imagerie de l’intestin, Danijela fait découvrir de nouvelles cellules à Ana-Maria. « J’ai découvert comment les cellules du système immunitaire maintiennent l’équilibre, comment les macrophages protègent les épithéliums de l’empoisonnement par les champignons etc. C’est fascinant. »

« Le CRI est un environnement pour pouvoir penser autrement et assouvir sa curiosité, prendre des risques. C’est un contexte idéal pour les curieux. »

En 2012, Ana-Maria Lennon-Duménil est contactée par Ariel Lindner, l’un des cofondateurs du CRI, pour devenir enseignante en Master 2. Elle prend beaucoup de plaisir à évoluer dans ce lieu ouvert, propice à l’interdisciplinarité. Son rôle est d’accompagner les étudiant·e·s dans leur démarche de recherche. Préparation d’articles scientifiques, bibliographies, organisation de symposiums, différents exercices sont proposés. « Il n’y avait pas vraiment de matière spécifique. Nous étions un groupe de 6-7 professeurs et retrouvions les étudiant·e·s pour les aider à faire les exercices, trouver les labos, les choisir. »

Ana-Maria se souvient d’interactions très agréables avec le corps enseignant, mais aussi avec ses étudiants, qu’elle avait d’ailleurs fait venir à Curie. « Il y a une richesse humaine, une diversité de profils au CRI. J’ai rencontré des personnes incroyables. Les gens sont très motivés, très créatifs, et prêts à beaucoup donner de leur personne. »

« On y trouve quelque chose d’extraordinaire », dit Ana-Maria, enthousiaste. Selon elle, l’approche est très différente d’un environnement universitaire classique français. « Le CRI propose beaucoup de choses, au-delà de la seule interdisciplinarité. Il offre une façon différente de penser, de découvrir la recherche, et de faire son chemin. Il offre un contexte, un environnement pour pouvoir penser autrement et assouvir sa curiosité, prendre des risques. C’est un contexte idéal pour les curieux. On peut se laisser aller à la curiosité, sans jugement. » Tout cela grâce à un environnement bienveillant, qui permet l’autonomie et donne une confiance en soi pour réussir. « C’est une chance incroyable que donne le CRI ! »

En 2020, Ana-Maria a pris la direction du département « Immunité et Cancer » (U932, composée de 9 équipes – environ 130-140 personnes à l’Institut Curie) et a dû arrêter d’enseigner au CRI après 8 ans avec les étudiant·e·s de Master 2.

Très inspirée par les personnes qui incarnent le positif, Ana-Maria est convaincue que croiser les gens qui vous font confiance et vous donnent à la fois les moyens, et la liberté de vous chercher et de trouver votre propre voie, sont les clés pour se construire. Elle croit aussi fermement en une grande diversité des profils pour mener une bonne recherche. « C’est pour cela que je trouve que le CRI est riche. On considère que chacun a quelque chose à apporter, à apprendre de l’autre. Les professeurs comme les étudiants. »


Un portrait de Marie OLLIVIER

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