[COMMUNAUTÉ] Portrait d’Aurélien Peilloux, chercheur



UNE CRÉATIVITÉ CONTINUE DANS TOUS LES CHAMPS





Aurélien Peilloux est auteur-réalisateur et chercheur. Le CRI lui a permis d’adopter l’approche globale qui lui est chère, sans se restreindre. Sa thèse en recherche-création, première du genre en France, lui a permis de lier son âme de chercheur à sa sensibilité d’artiste. Aujourd’hui, il réalise des films et enseigne la recherche-création dans différents établissements d’enseignement supérieur


Un après-midi de septembre chaud et ensoleillé. Aurélien Peilloux attache son vélo à un arbre de la place du Marché Sainte-Catherine et me rejoint sur la terrasse d’un café ombragé. La discussion peut commencer.

Dès le lycée, Aurélien souhaite devenir chercheur. Il est passionné de physique, et notamment des grandes théories du XXème siècle comme la physique quantique. Il fait une classe préparatoire, puis intègre l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris (ESCPI – ParisTech), où il se forme de manière très transdisciplinaire à la recherche pendant trois ans. Il enchaine ensuite par un master en physique des particules à l’Université de Montréal. De retour en France, Aurélien décide d’élargir ses horizons à la biologie.

J’avais appris les équations que je voulais étudier, comme les diagrammes de Feynman, j’avais un bon niveau en maths mais je souhaitais adopter une approche plus transdisciplinaire. »

Aurélien débute donc un master 2 de biophysique, avec un stage à l’Institut Curie. Il y étudie la dynamique des interfaces entre les tissus, et cela l’intéresse beaucoup. À la fin de l’année, Aurélien réalise qu’il a énormément appris, mais se sent limité par l’approche ultra spécialisée propre à la recherche : « J’avais le sentiment d’être arrivé au bout d’un truc, et au début d’un autre… .

Entretemps, Aurélien s’est découvert un tout nouvel intérêt. Depuis quelques années, il fréquente les cinémas du quartier latin les soirs de semaine et tous les week-ends. « C’est devenu une habitude. J’ai appris à aimer ça au fur et à mesure, jusqu’à devenir un cinéphile passionné ». Avide d’en connaître davantage, Aurélien se plonge dans le milieu. Il profite de son séjour à Montréal pour contacter Micheline Lanctôt, actrice et réalisatrice québécoise qui en est alors à son dixième long métrage. L’accord entre eux se fait naturellement : Aurélien peut assister au tournage et, en échange, il explique la physique des particules à la réalisatrice ! Sur le plateau, Aurélien se sent comme un poisson dans l’eau : il parle à tout le monde, observe chaque détail avec attention. Il sent profondément qu’il est ici à sa place. Il passe alors le concours de la Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son), qu’il réussit avec brio.

Seulement, le jeune homme de 23 ans avait déjà obtenu une bourse pour faire une thèse au CRI*. Il décide donc d’aller voir François Taddei pour lui expliquer que c’est l’amour du cinéma qui l’anime désormais, et qu’il renonce à sa thèse pour se consacrer pleinement à la réalisation cinématographique. François Taddei lui répond par une question : ne pourrait-il pas lier science et cinéma dans sa thèse ? Il laisse Aurélien y réfléchir.

« Je me souviendrai toujours de ma descente de la montagne Sainte-Geneviève à vélo après cette discussion. Je me sentais léger en réalisant la chance immense de pouvoir lier les deux sans me couper d’une partie de moi ! » dit Aurélien, dont les yeux brillent encore. « J’ai le CRI proche dans le cœur ».

Commencent alors quatre années d’exploration. Aurélien entame une thèse en recherche-création, domaine qui a vocation à produire de nouveaux savoirs à travers une pratique artistique en milieu universitaire. Cette alliance entre deux champs dont les modes de fonctionnement peuvent sembler antinomiques de prime abord ne pouvait que correspondre à Aurélien. Il faut dire qu’il est un fervent défenseur de l’approche holistique et complexe du monde, si chère à Edgar Morin – dont il apprécie d’ailleurs particulièrement l’ouvrage Science avec conscience (Seuil, 1982).

Aurélien déplore en effet la coupure aristotélicienne entre l’être et le monde, et plus encore en sciences. « Aujourd’hui, tu fais une pratique artistique ou tu es scientifique. Or, tu es habité par ce que tu fais quand tu es artiste, mais tu n’as pas le choix que de couper avec l’intérieur quand tu deviens chercheur. Le rapport des scientifiques aux émotions est très compliqué à cause de cette coupure propre à la méthodologie scientifique ». C’est la frustration qu’a ressentie Aurélien à la fin de son parcours en sciences. « J’ai fait une sorte de crise existentielle : la science n’était pas suffisante pour exprimer certaines choses que je ressentais… ». Pourtant, il est persuadé que les scientifiques gagneraient à se rapprocher de leurs ressentis.

François Jacob distingue deux sciences : la science de jour (rigoureuse, conquérante) et la science de nuit (dans le brouillard de l’incertitude, qui fait appel aux intuitions). L’une ne va pas sans l’autre !  explique-t-il, ajoutant que la créativité est continue.

La thèse d’Aurélien, novatrice dans le milieu de la recherche, est composée de quatre films et d’un manuscrit. « J’ai écrit ma thèse en deux mois, c’était un pur plaisir ! » Rédigée à la première personne, elle permet justement de laisser s’exprimer une subjectivité, des intuitions. Ses films sont des objets hybrides qui questionnent l’interface entre l’art et la science. Bien plus que vulgariser un concept scientifique, ils ont un double niveau de lecture : ils racontent une histoire teintée d’émotions, accessible à tous, mais ils créent aussi du savoir, par exemple en portant un regard critique sur l’univers de la science (Les Chercheurs, 2015), en s’interrogeant sur la nature de l’acte créatif (Les Cinq Sages, 2015), ou encore en cherchant à faire ressentir des concepts scientifiques au spectateur, à les exprimer à travers les propriétés d’une forme esthétique (Depuis que Manon m’a quitté, 2013).

Aujourd’hui, Aurélien Peilloux continue à réaliser des films, dont l’un est en cours de financement. Il est aussi chercheur associé à SACRe, premier programme doctoral de recherche-création en France créé en 2014 (alors qu’Aurélien était déjà en thèse au CRI). Il enseigne également au CRI et au Cycle Pluridisciplinaire d’Études Supérieures de l’Université Paris Sciences et Lettres (CPES), et est très touché par les travaux de ses étudiants. Aurélien évoque, ému, une création sonore réalisée par l’une des étudiantes de master autour des violences obstétricales. « Les émotions, la sincérité et l’honnêteté ressortaient de manière très puissante ».

En parfaite cohérence avec sa philosophie, Aurélien s’est totalement ouvert pendant ces deux heures de discussion. Artiste sensible et chercheur rigoureux, il voit son double parcours comme une véritable chance, qui lui a donné légitimité et confiance en lui. On comprend surtout qu’il s’est trouvé pleinement lui-même et qu’il a pu exprimer ses émotions, sans pour autant devoir rejeter la science. « Je suis très reconnaissant envers le CRI, c’est l’une de mes fondations. » Aurélien a d’ailleurs réalisé le docu-fiction Voyage au CRI en 2017. On y sent toute son affection pour le CRI,  devenu depuis le Learning Planet Institute.


Les « Et Si Nous » d’Aurélien

Et si nous refaisions corps avec le monde, et si nous retissions des liens avec le monde ?
Nous gagnerions beaucoup à avoir un rapport plus fluide avec notre vie émotionnelle, plus sensible, plus lucide. Être plus à l’écoute de soi-même et du monde. Connaître le monde, c’est se connaître soi-même, ça va ensemble.

*Le CRI est devenu le Learning Planet Institute en décembre 2020
Tout savoir sur sa transformation : https://news.cri-paris.org/news/le-cri-se-transforme-et-devient-le-learning-planet-institute/


Un article de Marie Ollivier
Crédit photo : @Marie_Augustin

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