Face aux bouleversements de notre époque – intelligence artificielle, crises multiples, mutations du travail – comment former les citoyens de demain ? Au Learning Planet Institute, et dans le cadre de la chaire UNESCO « Sciences de l’apprendre », Raphael Costambeys-Kempczynski et son équipe expérimentent de nouvelles approches pédagogiques pour construire une « société apprenante ». Rencontre avec le directeur de l’Éducation.

Raphael Costambeys-Kempczynski est directeur de l’Éducation au Learning Planet Institute. Au cours de sa carrière, il développe un intérêt pour l’expérience étudiante, notamment à Heriot-Watt University, à Édimbourg.
C’est au sortir de la pandémie qu’il prend un congé de recherche après plusieurs années à l’Université Sorbonne Nouvelle, où il a exercé divers mandats – dont ceux de Vice-Président et de Directeur délégué à l’expérience étudiante du regroupement Sorbonne Paris Cité. Dans le cadre de ses travaux, il porte le projet de recherche ARC: Agency, Resilience, Co-Construction (agentivité, résilience, co-construction) en étudiant les logiques de capacity-building. « D’une société de l’information, nous sommes passés à une société de la connaissance. Nous nous sommes alors aperçus des dynamiques entre information et connaissance, dans une logique d’acquisition des savoirs certes, mais aussi de développement des savoir-faire et des savoir-être. Désormais la dynamique connaissance-compétences est tout l’enjeu du XXIème siècle : comment mobilise-t-on des compétences acquises dans une logique d’encapacitement pour faire naître de tout nouveaux savoirs ? »
Dans le cadre de cette recherche, Raphael Costambeys-Kempczynski, invité par François Taddei, intègre le Learning Planet Institute pendant six mois, avant d’en devenir, en septembre 2022, directeur de l’Éducation. « Nous sommes toutes et tous aujourd’hui en train de travailler sur les questions des transitions dans l’innovation pédagogique. », explique-t-il.
Repenser les apprentissages à l’heure des transitions
Les parcours pédagogiques/éducatifs développés par l’Institut engagent des personnes de tout âge dans une démarche et un parcours apprenant tout au long de la vie (à l’école et en dehors, dans l’enseignement supérieur et la formation continue). Les programmes et les pratiques pédagogiques proposées – individuelles ou collectives – permettent d’apprendre autrement pour que chacun puisse participer à la construction d’une société apprenante.
« Un service vie étudiante accompagne notamment des étudiants internationaux qui arrivent en France. Nous avons également le MakerLab, lieu dans lequel nous essayons de trouver des solutions frugales à des questionnements sociétaux, avec une spécialité sur les enjeux d’accessibilité. Nous disposons par ailleurs d’un studio qui propose différents types de tournages dont une activité podcast pédagogique que nous avons démarrée il y a un an ».
Innover à l’échelle des programmes et des maquettes pédagogiques
Avant de travailler au Learning Planet Institute, Raphael Costambeys-Kempczynski a expérimenté un bon nombre d’innovations pédagogiques en université dans des contextes et des pays différents. « Ici, à l’Institut, nous avons l’intimité nécessaire pour avancer. La difficulté habituelle est liée à la taille des cohortes. Il n’est jamais évident d’innover ou d’expérimenter quand on a la double mission de mener tous les étudiants au diplôme et à la vie professionnelle dans un contexte d’éducation de masse ».
« La chance que l’on a au Learning Planet Institute, c’est d’avoir la capacité à innover en combinant diverses pédagogies constructivistes – pédagogie de projet, pédagogie par la recherche, apprentissage critique, apprentissage créatif – non à l’échelle d’un cours comme le font de nombreuses universités, mais à l’échelle d’une maquette de formation dans sa globalité, sous une forme très différente des maquettes habituelles. »
La chaire UNESCO : un travail incontournable face aux défis des apprentissages dans le monde
Depuis 2014 , la chaire UNESCO d’enseignement et de recherche internationale « Sciences de l’apprendre », portée par l’Université Paris Cité et l’Institut, offre une visibilité à l’international. Cette chaire associe recherche, pédagogie et technologie pour accompagner enseignants, chercheurs, équipes et collectifs d’acteurs à construire une société apprenante pour un monde plus durable. « Cette chaire permet de rassembler des penseurs internationaux autour de problématiques qui vont bien au-delà des enjeux de la didactique ou des sciences de l’éducation. En anglais « Learning sciences » signifie à la fois sciences de l’apprendre et sciences apprenantes, et les deux vont de pair », explique Raphael Costambeys-Kempczynski.
« L’UNESCO a mené des travaux sur les questions éducatives, et montre que malgré la présence de 140 à 150 millions d’enseignants à l’école primaire et secondaire dans le monde, il en manquerait encore 50 millions. Le niveau d’attrition est tel que chaque année, on perd plus d’enseignants que l’on en gagne. Cela mérite une attention sérieuse. Les raisons sont différentes selon l’endroit où l’on se situe sur la planète, mais le symptôme est le même. S’ajoutent à ces interrogations profondes l’arrivée de l’intelligence artificielle générative, l’employabilité, la fracture intergénérationnelle… En bref, il est difficile de définir de quoi sera fait demain mais ce que l’on sait, c’est que les jeunes vont hériter de tout cela. La collaboration avec eux est donc une nécessité. »
Pour Raphael Costambeys-Kempczynski, il suffit de regarder à travers le prisme des sciences de l’apprendre pour tisser le fil des trois thèmes (recherche, pédagogie, technologie) qu’elle aborde : « Nos activités pédagogiques sont en fait souvent des projets de recherche, parfois de recherche-action participative par les jeunes, ce qu’on appelle en angalis YPAR–Youth Participatory Action Research. Et tous ces travaux sont augmentés par la technologie. On ne nie ni l’importance du numérique d’hier, ni celle de l’IA d’aujourd’hui. C’est incontournable. »

Des conférences internationales face aux grands enjeux d’actualité
L’année universitaire 2024-2025 a été marquée par un cycle de conférences autour des compétences et professions du futur en novembre 2024, afin d’aborder frontalement la question du déplacement et de la disparition des emplois. En janvier 2025, il a été question de paix à l’heure où il n’y a jamais eu autant de conflits armés dans le monde (« former la prochaine génération de jeunes bâtisseurs de Paix »).
Portée par l’Institut des Défis, la dernière conférence de ce cycle, RE-ACT 2025: Reimagining Education in the Age of Crises and Transitions, a eu lieu en juin dernier et a permis un exercice de prospective d’un point de vue institutionnel pour imaginer comment les universités peuvent se réinventer pour ne pas se rendre obsolètes. « Ce colloque a permis une véritable co-construction de solutions intergénérationnelles entre les décideurs, les universités, les étudiants, les acteurs socio-économiques pour imaginer comment renouveler les structures de l’enseignement supérieur et les programmes pédagogiques. », conclut Raphael.
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Un article écrit par Marie Ollivier
Merci à Raphael Costambeys-Kempczynski d’avoir répondu à nos questions