[COMMUNAUTÉ] Portrait de Jonathan Grizou, docteur en I.A et professeur




RÉINVENTER LES APPRENTISSAGES, STIMULER LA CRÉATIVITÉ





Jonathan Grizou est docteur en intelligence artificielle. Grand curieux et passionné d’éducation, il a développé un projet d’ingénierie inversée au CRI*, afin de rendre sa thèse accessible à tous, par la conception d’un coffre-fort interactif qu’il fallait ouvrir à l’aide d’un code. Nouvelles manières de transmettre, interdisciplinarité, open-source : la vision du CRI ne pouvait que résonner avec la personnalité de Jonathan.


« Il y a de grands progrès à faire dans l’apprentissage des langues. L’objectif est de communiquer, et non d’écrire sans faire de fautes. »

Cette frustration, Jonathan la vit depuis qu’il est tout petit. « J’avais la chance de pouvoir comprendre vite, et les profs n’osaient pas nous dire quand ils ne comprenaient pas. » De ces réflexions enfantines nait une posture de professeur originale. Lors du premier cours que Jonathan donne au CRI*, il demande à un étudiant de lui apprendre un morceau à la guitare. « Le but était de relâcher la tension. L’idée que le professeur sait tout est trop répandue. Ce n’est pas vrai ! »

Mais remontons un peu dans le temps, avant l’arrivée de Jonathan au CRI. Petit garçon, il est curieux de tout et passionné de technologie. Il s’oriente logiquement vers une école d’ingénieur en électronique et en informatique, il fait aussi des stages où le vent le mène : Danemark, Suisse, États-Unis… Et sa propre curiosité le pousse à faire une thèse en intelligence artificielle à l’Université de Bordeaux sur… la curiosité chez les enfants, et plus exactement sur la manière dont on peut utiliser les robots pour étudier cette curiosité. La thèse de Jonathan obtient le prix Le Monde de la recherche universitaire. Passionné, il participe à des conférences internationales et lance des collaborations scientifiques avec des universités aux États-Unis, en Espagne et en Allemagne.

Au sortir de sa thèse, Jonathan explore un tout autre monde, tout en restant dans le milieu de la robotique. De la recherche, il passe à l’environnement startup avec trois amis chercheurs avec lesquels il co-fonde une entreprise. À l’été 2018, deux projets en émergent : Pollen Robotics, robots open-source spécialisés dans la manipulation et l’interaction avec les objets, et Luos, un système de communication décentralisé open-source pour la robotique.

« Culturellement, cette expérience était intéressante. Avec les co-fondateurs, on connaissait nos forces et notre complémentarité, mais le monde des start-ups est vraiment différent de celui de la recherche au quotidien ! »

Ces deux entreprises continuent à fonctionner, mais Jonathan décide en 2019 de quitter cet univers pour rejoindre le CRI, dont il a entendu parler par son directeur de thèse Pierre-Yves Oudeyer. Jonathan est séduit par l’atmosphère : « L’approche au CRI était moins traditionnelle, plus mixte, avec plus d’interdisciplinarité. Ce que j’aimais beaucoup, c’est qu’au même endroit, il y avait des enseignants, des chercheurs et des étudiants ». Il commence par une proposition de projet à la croisée de l’intelligence artificielle et de la biologie, avant de changer et de trouver ce qui le fait réellement vibrer. « Ce qui me frustrait, c’est que je n’arrivais pas réellement à expliquer mon travail, à amener ma thèse aux gens. » Jonathan conçoit alors un projet interactif pour expliquer sa thèse en intelligence artificielle au plus grand nombre. Il se dit : « Finalement, cette façon d’interagir, on peut la simplifier avec deux boutons. » Jonathan construit un coffre-fort transparent au MakerLab du CRI, avec un code dont il est difficile de trouver l’accès.

« Ces mois de conception furent très intenses pour moi, c’était un super challenge, j’ai appris à faire du web au CRI. »

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@JonathanGrizou

Jonathan pose son coffre-fort dans les locaux du CRI, et lance un défi aux étudiants : réussir, sans aide extérieure, à trouver le code pour ouvrir le coffre qui contient des chocolats ! Pendant ces quelques jours, Jonathan s’assoit et observe les interactions et les réflexions des étudiants. « Il y avait quatre niveaux de difficulté. Le premier a été résolu dans la journée par une jeune fille de 16 ans ! » Un moment marquant pour Jonathan. « Voir cette fille trop contente d’avoir trouvé le code, et sa maman avec elle, c’était génial ! ». Le chercheur note d’ailleurs que les plus jeunes sont les plus doués dans cet exercice : « Ils ont moins d’idées préconçues, moins de préjugés. »

Grâce à cette expérience par le jeu, de nombreux étudiants apprennent le fonctionnement des interfaces d’auto-calibrage et les concepts d’apprentissage automatique. « Tous les étudiants se sont prêtés au jeu, malgré leurs examens », se réjouit Jonathan, pour qui la philosophie du CRI résonne particulièrement. « Plus jeune, je trouvais que l’école, c’était par contrainte et non par curiosité. Au CRI, la communauté encourage l’apprentissage par l’action. » Jonathan a d’ailleurs donné un cours d’introduction à la robotique en master au CRI. En guise d’évaluation, le professeur organisait des conversations avec les étudiants, ce qui lui permettait de leur faire des retours constructifs sur la compréhension des concepts abordés.

Aujourd’hui, Jonathan poursuit son travail d’enseignant à l’Université de Glasgow, en Écosse. « Ils ont pris en compte mon parcours, même si le cadre est plus classique qu’au CRI ». Il donne un cours interdisciplinaire aux étudiants l’Université de Glasgow à Singapour. Jonathan y aborde le design, les sciences informatiques, la mécatronique. « Ce qui est bien, c’est qu’on leur demande d’être créatifs, de construire des prototypes physiques en équipe ». Aujourd’hui, les étudiants construisent des appareils à nettoyer les seringues pour les hôpitaux, mais Jonathan aimerait les faire travailler sur l’éducation. Les étudiants feraient des créations en public, qui participeraient à la conception de ressources éducatives pour des écoles, des parents, des élèves… Une idée dans la continuité de sa thèse, et de son projet au CRI.

Jonathan se sent bien et vrai dans son rôle actuel. Il mène des projets, est au contact des gens et fait en sorte que chacun puisse comprendre ses travaux, ainsi que ceux de ses étudiants, et que cela soit utile à tous. Il est aujourd’hui persuadé que tous les projets doivent être disponibles sur le web, en open-source.

« Quand on est hyper-spécialisé, on ne s’aperçoit pas que seules 200 personnes dans le monde sont intéressées par les mêmes sujets. Essayer de comprendre ce dont les gens ont besoin, et stimuler leur créativité en les faisant interagir, c’est vraiment ce que j’aime. »

En parlant de créativité, le coffre-fort de Jonathan a été présenté dans deux expositions d’art : lors de la Nuit Blanche à Paris, et au Ming Contemporary Art Museum à Shanghai.

* Le CRI est devenu le Learning Planet Institute en décembre 2021
Tout savoir sur sa transformation : https://news.cri-paris.org/news/le-cri-se-transforme-et-devient-le-learning-planet-institute/

Un portrait de Marie OLLIVIER

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