Roua Mazouz, étudiante, alumna de la SDG Summer School, fondatrice de start-up : sortir des cases, entreprendre avec élan.

Roua a 20 ans. Tunisienne d’origine, elle a quitté son pays à 17 ans pour finir sa scolarité en France. Curieuse de tout, avide d’apprendre, elle s’inscrit en 2022 à la « SDG Summer School » (école d’été des Objectifs de Développement Durable) du Learning Planet Institute. De là naît une idée folle, un véritable projet de vie pour Roua : la start-up « Old 2 Gold ». Rencontre.

Roua Mazouz 2 Roua Mazouz, étudiante, alumna de la SDG Summer School, fondatrice de start-up : sortir des cases, entreprendre avec élan.
© Roua Mazouz

C’est une journée d’hiver ensoleillée et je rejoins Roua dans le hall animé du Learning Planet Institute, à l’heure de la pause déjeuner. Nous nous rendons dans un petit restaurant au fond d’une cour, à quelques mètres de l’Institut – un endroit que Roua connaît bien – et nous nous asseyons près de la fenêtre. C’est alors que la jeune femme me raconte son histoire. 

Roua passe sa vie d’enfant et d’adolescente entre Djerba et Tunis. Elle décide à 17 ans de venir en France pour y faire son lycée et poursuivre ses études. Celle qui n’a jamais étudié dans le système français réussit haut-la-main en obtenant son baccalauréat avec mention bien en 2021. Dans le récit de Roua, on sent déjà douceur et détermination. « Quand j’étais petite, je rêvais d’être journaliste sur le terrain. J’aime rencontrer les gens. Comprendre la vie des autres me rend heureuse, c’est pour ça que j’étais attirée par ce métier. Mais j’étais très réservée, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui. »

Roua n’est pas du genre à s’embarrasser de conventions. Elle fonce. « À notre âge, on n’a pas encore trop de barrières dans l’esprit, il faut en profiter. J’ai l’impression que plus on vieillit, moins c’est facile. » Roua mène de nombreux projets de front, sans pour autant s’éparpiller. Elle est méthodique et organisée. « On peut me dire que je suis une fille qui n’est pas posée, ou que je devrais me concentrer sur une chose, mais ce n’est pas ce qui m’épanouit. Je suis très heureuse ainsi ! Je ne veux pas être dans une cage. » 

Après l’obtention du baccalauréat, Roua entre en licence d’anglais et d’arabe à Sorbonne Université. « Je n’ai pas vraiment aimé l’expérience, je ne savais pas ce que j’y faisais. Je me suis rapidement réorientée vers une licence de droit-santé à Université Paris Cité, ce qui me correspond beaucoup mieux. » 

C’est grâce à Université Paris Cité que Roua découvre la SDG Summer School du Learning Planet Institute. « Je ne partais pas en vacances cet été-là, je n’avais pas trouvé de job étudiant non plus, en plus des petits boulots que je faisais déjà, et je regardais donc les Summer School ». Intéressée par celle de l’Institut – l’une des seules gratuites, Roua s’inscrit. « J’étais principalement intéressée par l’environnement. J’ai été prise à l’entretien et en fait, je me suis rendue compte pendant le mois de la Summer School qu’on ne parlait pas que d’écologie.» Roua est surprise de l’aspect technologique et informatique, qu’elle n’avait pas vraiment anticipé. « En fait, moi, il a fallu me familiariser avec l’ordinateur », rit-elle. « Il fallait déjà que je comprenne comment allumer l’ordi avant de pouvoir mettre en place des programmes etc. »

LPI SDGSummerSchool2021 ©QuentinChevrier Roua Mazouz, étudiante, alumna de la SDG Summer School, fondatrice de start-up : sortir des cases, entreprendre avec élan.
Projet étudiant lors de la SDG Summer School © Quentin Chevrier

Autre défi de taille : toute la Summer School est en anglais. « L’anglais n’était pas mon fort mais pendant un mois, j’ai pratiqué. À la fin, je cherchais mes mots en français ! » La promotion est constituée d’une trentaine de filles, de nationalités et de profils très différents (Roua est dans la même promotion que Yuxuan, NDLR) « Le bonheur ! », résume Roua.

Au Learning Planet Institute, il y a une ouverture d’esprit que je n’ai pas trouvée ailleurs. On t’accepte comme tu es, et tu peux vivre pleinement. 

Dès le premier jour, Vladimir Hermand, coordinateur du Makerlab et mentor de la promotion, pose les bases : « Donnez-nous tout ce qui vous passe par la tête, sans vous censurer ». Pour Roua, c’est incroyable : « On a le droit de le dire, alors pourquoi pas le faire ? » lance-t-elle, l’air audacieux.

Comme prévu, Roua rejoint l’équipe « Environnement ». « On voulait faire un village fictif totalement écolo. Mais je me disais que ça ne parlerait pas à tout le monde.» Roua a alors une autre idée, bien à elle, en lien avec l’environnement. « Ma mère est couturière. Quand j’étais ado, elle utilisait des tissus et nous en faisait des vêtements. C’était pour des raisons économiques, mais j’étais au top de la mode ! Même si, comme tous les ados, j’avais plutôt envie de porter du neuf. »

Image 20230303 130127 426 Roua Mazouz, étudiante, alumna de la SDG Summer School, fondatrice de start-up : sortir des cases, entreprendre avec élan.
Journée d’intégration de la SDG Summer School ©Learning Planet Institute

Roua se dit qu’il faut qu’elle crée une application de mise en relation de couturiers et de particuliers pour récolter des tissus, de la matière, et permettre aux couturiers de transformer les pièces ou d’en faire de nouvelles. 

« J’ai pitché l’idée et personne dans la promo ne voulait me rejoindre. Elles avaient toutes leurs projets. (…) Alors, j’ai presque supplié (cordialement) Vladimir de maintenir mon idée. J’y croyais dur comme fer, même si j’étais seule (…). Il m’a demandé de lui écrire un rapport, et il a accepté. »

Roua le conçoit, travailler seule n’est pas toujours évident et au cours du mois, un manque de motivation se fait parfois sentir. Il y a des hauts et bas, et la jeune femme n’avance pas aussi vite qu’elle le voudrait, même si l’équipe de la Summer School lui fournit tous les outils pour réussir et aller au bout de ses idées. 

« J’ai appris plein de choses durant ce mois, et pas seulement en développant des compétences. J’ai aussi beaucoup appris sur moi et sur les autres ».

Les trois derniers jours, avant les rendus finaux, Roua est très en retard. « J’ai charbonné comme une folle. Je n’avais pas de nom, pas de prototype, et je n’avais pas fini mes recherches non plus. On devait pitcher le projet devant un large public. ».

À J-3, Roua commence le prototype. 

À J-2, elle le poursuit. « Je n’étais pas très à l’aise avec l’outil de prototype, et donc cela me prenait toujours plus de temps que prévu »

Le jour J, rien n’est prêt. « J’ai mobilisé tous les gens que je connaissais. Même l’agent d’accueil du Learning Planet Institute m’a aidée ! ». Il faut dire que Roua est avenante et s’est liée en peu de temps avec de nombreuses personnes de l’Institut . « Je connais au moins une personne à chaque étage », sourit-elle. Le dernier jour, elle se fait aider par nombre d’entre eux dont Nour Ismaïl, une étudiante et amie qui travaille sur un autre projet au sein de la Summer School. « J’ai demandé à tout le monde, notamment pour trouver le nom. Je n’avais toujours rien… »

À une heure du matin, la veille du pitch, Roua a une idée : « Old is gold » L’ancien est précieux » en français, qui traduit de manière poétique son idée de faire du neuf avec du vieux, en conservant les matières pour le bien de l’environnement).

Le jour de la présentation, Roua a donc un nom mais toujours pas de prototype, de vidéo montée ou de diaporama pour sa présentation. « Alors que je pitchais dans quelques heures devant tout le Learning Planet Institute, l’Université de Genève et celle de Tsinghua, en Chine, en visio ! » À 8 heures du matin, la jeune femme est stressée « Je pleurais de stress et en même temps, je travaillais, je savais que je n’avais pas le choix. » 

Et cela réussit plutôt bien à Roua : à 15h, l’étudiante, ancienne enfant réservée, présente son prototype avec naturel et humour. « Je me dis toujours, autant y aller et tout donner, pour ne rien regretter. Comme j’ai la tchatche, je crois que ça a bien fonctionné.» 

Et pour cause : elle ne me le dira que plus tard dans la conversation par humilité, mais le projet de Roua a été élu prix du jury de la Summer School. « J’ai rencontré des gens qui étaient intéressés par mon projet ce jour-là. En fait, j’ai gagné confiance en moi pendant la Summer School et j’ai trouvé même mon projet de vie ! ». 

Ce projet de vie, c’est donc « Old 2 Gold », sa start-up d’upcycling. C’est un projet pour sa mère, pour elle-même et pour l’avenir. 

« Cette idée vient de ma mère. Ça faisait trois ans que je ne l’avais pas vue quand j’ai eu cette idée. Ce projet est né de relations d’amour réel, humaines. Ce n’est pas juste du business ! ». Et la start-up est prometteuse. Le weekend dernier, Roua et son associée Anaïs, qui va développer l’application, ont fait partie des six projets lauréats du Startup Weekend organisé par Startup Banlieue. Elles ont gagné leur place au sein de l’incubateur THIGA, ainsi qu’un accompagnement et des locaux dans le quartier de l’Opéra à Paris. « Je suis très heureuse, c’est une nouvelle validation extérieure de mon projet. » explique Roua avec un grand sourire.

La jeune femme ne le cache pas, des moments de doute l’ont traversée ces derniers mois. « Mais il faut toujours les surpasser et aller de l’avant ! », dit-elle.

Depuis la Summer School, Roua se rend au Learning Planet Institute dès qu’elle le peut, pour avancer sur son projet. Quand Vladimir, son mentor, la croise au MakerLab, il la surnomme « la startupeuse ». « Ça rend la chose réelle, ça met un peu la pression mais c’est surtout gratifiant ! »

Elle ajoute : « Peu importe qui tu es, tu es quelqu’un au Learning Planet Institute. On n’est pas rien au Learning Planet Institute. C’est le seul endroit où j’ai pu ressentir cela. »

Malgré un agenda bien rempli, Roua n’hésite pas à donner un coup de main : elle aide l’incubateur HOP! à se développer. HOP! permet aux jeunes de trouver un emploi ou de fonder des entreprises. « Ce qu’ils font est vraiment chouette, j’essaie d’y contribuer. » 

Pourtant, Roua est loin de s’ennuyer. Le matin, elle est toujours étudiante en droit et santé à Université Paris Cité et l’après-midi, elle garde des jumelles de 6 ans et leur grande sœur de 8 ans, donne des cours particuliers d’arabe et fait des ménages. « Tout mon temps libre, je le passe à développer ma start-up », explique-t-elle. « Je mets une casquette, je l’enlève, puis j’en remets une autre, et j’en change encore. C’est ainsi que je fonctionne et que je m’épanouis. Tout cela se nourrit énormément. » 

Récemment, Roua a participé au programme Eloquentia Saint-Denis. « Comme avec la Summer School, j’ai appris sur les autres et j’ai aussi appris à être moi. Grâce aux différents intervenants, et en particulier à Monsieur Bertrand Périer  [avocat aux Conseils et enseignant français de la prise de parole en public, spécialiste de l’art oratoire, NDLR], que j’admire, j’ai appris à mieux m’exprimer, ce qui me sert pour pitcher le projet par exemple ! ». Roua fonce, sans se poser trop de questions. Elle se souvient, quand elle est arrivée en France à Beauvais, que les gens ne participaient pas vraiment en classe « Je me disais : « il faut aider le prof, je lève la main, et tant pis si j’ai faux »». Roua le dit, elle est aussi fière de ses échecs que de ses succès. « C’est comme ça que l’on apprend. On apprend même sûrement plus de ses échecs que de ses réussites. »

Aujourd’hui, je suis vraiment heureuse de faire ce que je fais, et fière de mon parcours. Le Learning Planet Institute n’y est pas pour rien. Beaucoup de choses y naissent. Des projets comme « Old 2 Gold », mais aussi des personnalités comme la mienne. Le Learning Planet Institute m’a permis de faire exploser ma créativité. 


EN SAVOIR PLUS

👉 A PROPOS DE LA SDG SUMMER SCHOOL

Tous les étés, des étudiants du monde entier et de tous horizons se réunissent pendant un mois au
MakerLab du Learning Planet Institute afin d’y prototyper des outils frugaux et reproductibles répondant
aux Objectifs de Développement Durable (ODD).
L’école d’été a une orientation marquée pour les projets s’attaquant aux problèmes de santé et à leur lien avec l’environnement.
Ce programme d’immersion, entièrement basé sur l’apprentissage par projet, est mené en partenariat
avec l’Université de Genève, Suisse, et l’Université de Tsinghua, Chine.
Inscription à partir du mois d’avril

👉 A PROPOS DE HOP!

HOP! est un des projets Inclusion du Learning Planet Institute, qui propose des innovations pédagogiques pour accompagner les publics très éloignés du marché du travail (en portant une attention particulière pour les jeunes issus des Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville) vers l’emploi ou l’entrepreneuriat. Le but est de construire un parcours professionnel qui fait sens pour eux tout en intégrant les enjeux du développement durable.


Un portait de Marie Ollivier
Merci à Roua Mazouz


Cette publication s’inscrit dans le cadre de la Chaire UNESCO « Sciences de l’apprendre », établi entre l’UNESCO et Université Paris Cité, en partenariat avec le Learning Planet Institute.
Les idées et opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs. Elles ne représentent pas nécessairement les vues de l’UNESCO et n’engagent en rien l’Organisation.

Partager sur

Sur le même thème

Rechercher
Rechercher