Maria Luisa Serrano : faciliter l’apprentissage grâce aux nouvelles technologies, transmettre avec l’EdTech

Maria Luisa Serrano at the S.T.E.A.M School © Maker's Asylum

Après des études d’ingénieure en Allemagne, Maria Luisa Serrano s’intéresse aux technologies de l’éducation (ou « EdTech ») et complète son cursus en Master AIRE « Sciences de l’apprentissage » (Learning Sciences) au Learning Planet Institute. C’est à ce moment qu’elle rejoint le club étudiant HOME, qui a pour mission de partager et d’échanger sur ce que les étudiant·e·s ont appris au Learning Planet Institute dans les pays en développement. Rencontre.

Maria Luisa Serrano travaillant dans EdTech
© Maria Luisa Serrano

Maria Luisa Serrano arrive joyeusement au Learning Planet Institute en cette après-midi de la fin mai. Elle est heureuse de revenir dans l’établissement qui l’a accueillie quatre ans auparavant. « Ce lieu est vraiment génial, cela me rappelle de bons souvenirs », sourit-elle. 

Maria Luisa est née à Quito, en Équateur. Elle y fait l’école allemande et se prépare à étudier l’ingénierie. « Mon père est ingénieur, et en Amérique du Sud, tu dois étudier quelque chose de « sérieux » si tu veux trouver des opportunités de travail ».

La jeune femme s’envole pour faire ses études d’ingénierie mécanique en Allemagne, à l’université technique de Darmstadt. « J’ai tout de même eu un petit choc culturel en venant d’Équateur. Je trouvais les gens très sérieux. Les sud-américains étaient plus « cool » et pensaient à bien faire la fête ! » lance-t-elle. 

Après ses études, Maria Luisa travaille chez Festo Didactic, une entreprise dans l’EdTech qui utilise – entre autres – des robots bioniques pour les apprentissages. « Ce sont des solutions mécaniques qui permettent d’apprendre de la nature. L’idée de Festo, c’est réellement de trouver des solutions en s’inspirant de la nature. »

Image représentant une "benoite commune" dont le biomimétisme peut servir l'EdTech
Exemple de biomimétisme : Le velcro est inspiré de plantes disposant de propagules munies de crochets menus et souples, comme ici la « benoîte commune », par Zephyris — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

À l’époque, Maria Luisa a un rôle de coordinatrice : elle fait en sorte d’améliorer les solutions techniques éducatives dans les différents pays dont elle est responsable. « Je travaillais principalement pour le marché sud-américain. J’étais en relation avec les ministères de l’Éducation et de l’Industrie. Nous cherchions de nouvelles opportunités de développement, de nouveaux fournisseurs, de nouveaux partenaires pour développer nos robots pour apprendre. C’était un poste tourné vers l’avenir, pour transformer l’éducation. » Et cela avait d’autant plus de sens pour Maria Luisa que l’Amérique du Sud avait plus de lacunes en la matière que les pays européens comme l’Allemagne ou la France.

C’est lors de cette première expérience que j’ai découvert que la technologie et l’éducation pouvaient avoir des intersections, et j’ai eu envie de creuser le sujet. 

Après un parcours très technique, Maria Luisa souhaite donc développer ses compétences pédagogiques. Sur Internet, elle recherche une formation mêlant éducation et technologie, et tombe sur le Learning Planet Institute. « Je voulais apprendre plus, avoir de meilleures connaissances en sciences sociales, en macroéconomie… J’avais besoin d’élargir mon champ de compétences. » Elle intègre donc directement le Master 2 « Sciences de l’apprentissage ». 

L’arrivée à Paris se déroule plutôt bien pour Maria Luisa. « J’avoue que j’appréhendais un peu. Je pensais que c’était une ville chère, snob, où les gens se plaignent tout le temps ». Finalement, Maria Luisa apprécie la vie parisienne : « J’étais souvent à des vernissages, à des expos, au cinéma. J’ai beaucoup apprécié les tiers-lieux comme les Grands Voisins qui mixent rencontres, innovation sociale, événements culturels,… C’est dynamique et il y a de nombreuses communautés. Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais et j’ai apprécié tout ce que Paris avait à m’offrir ». 

Maria Luisa profite aussi de ses études au Learning Planet Institute, et tisse des liens forts avec les gens qu’elle y rencontre. « Selon moi, la partie la plus intéressante, ce sont les personnes » dit-elle les yeux pétillants. « Tous les gens venaient de pays différents, avaient des parcours divers et étaient très ouverts d’esprit. C’était un plaisir. » 

Learning Planet Institute Discovery Days 2022©Antonin Weber Hans Lucas 2 Maria Luisa Serrano : faciliter l'apprentissage grâce aux nouvelles technologies, transmettre avec l'EdTech
Learning Planet Institute ©Antonin Weber_Hans Lucas

Avec ses camarades, elle mène à bien des projets dont l’un d’entre eux l’a particulièrement marquée à Mumbai, en Inde : la S.T.E.A.M School, un programme franco-indien créée par le Learning Planet Institute et Maker’s Asylum. « Nous avons participé à la S.T.E.A.M School avec mes amis du Learning Planet Institute. L’idée, c’était que nous, jeunes du monde entier, développions des solutions qui répondent aux Objectifs de Développement Durable de l’ONU.» 

Pendant trois semaines, Maria Luisa et ses camarades développent des solutions pour répondre à l’objectif de développement durable n°4, celui de l’accès à une éducation de qualité pour tou·te·s. « Nous voulions concevoir une solution qui puisse être utilisée partout – notamment dans les bidonvilles indiens. Au départ, nous avions construit un prototype en forme de cube pour apprendre. Nous l’avons testé dans les bidonvilles, mais le résultat n’était pas très probant. Alors, nous nous sommes remis au travail avec l’aide de professeur·e·s et d’accompagnant·e·s, et nous avons fait un autre prototype ».

L’équipe de Maria Luisa réalise alors un plateau de jeu qui se pose au sol et sur lequel les enfants doivent bouger pour apprendre les maths. « Cette fois, nous sommes retourné·e·s dans les bidonvilles et le jeu a bien fonctionné auprès des enfants de 6-8 ans.» À la fin du séjour, Maria Luisa et son équipe ont pu présenter le prototype à des expert·e·s de différentes universités et de l’UNESCO.  « Cette expérience à Mumbai était vraiment incroyable. Bien sûr, les bidonvilles indiens représentaient un tout autre monde, mais pour moi qui venais d’Amérique latine, ça n’a pas été trop dur. Nous avons beaucoup appris en quelques semaines : du design thinking au prototypage et à la présentation ! ».

Aujourd’hui, Maria Luisa applique cette technique du design thinking apprise à Mumbai dans son nouveau travail chez Festo. 

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Maria Luisa Serrano à la S.T.E.A.M School © Maker’s Asylum

Ses expériences lui donnent l’envie de transmettre. Au Learning Planet Institute, elle faisait aussi partie du club étudiant HOME. Avec trois autres étudiant·e·s facilitateur·rice·s : Albin Salazar, Nefeli Paparisteidi, Nidhi Patel, et un collègue rwandais, Yves Ininahazwe, iels montent des ateliers d’éducation au numérique dans des fablabs à Kigali au Rwanda.

« Albin gérait la partie automatisation de la technologie avec Arduino, Yves gérait toute la technologie digitale, Nidhi faisait le « game design », et j’enseignais la partie “human-centred design” et « design thinking« . ». À l’Université de Kigali, les étudiant·e·s du club HOME travaillent avec le digital tech K-LAB de Kigali, avec FabLab Rwanda et avec le centre numérique de la GIZ pour animer leurs ateliers et leurs cours auprès des étudiant·e·s pendant deux semaines.

Nous avions pour mission de partager et échanger sur ce que nous avions appris au Learning Planet Institute dans les pays en développement, et en particulier au Rwanda, pour que cela puisse être utile. Avec des technologies relativement frugales, et les Objectifs de Développement Durable comme colonne vertébrale.

Le programme se déroule bien, même si les organisateur·rice·s des ateliers doivent revoir leurs attentes de départ : « Nous prenions certaines connaissances pour acquises, alors que ce n’était pas le cas du tout et que certains ne savaient pas réellement faire la différence entre toutes les solutions technologiques. Nous avons donc dû réadapter le contenu de nos programmes, ce n’était pas évident mais ça a été un grand apprentissage pour nous ! ». Les méthodes, elles, se révèlent fructueuses et Maria Luisa et ses collègues du club expliquent aux étudiant·e·s comment créer une page web, réaliser un petit robot avec Arduino, ou encore une installation artistique.

La deuxième année, pendant le Covid, les membres du club HOME mènent les ateliers en ligne. « C’était beaucoup plus de travail de faire tout cela sur Internet mais ça a fonctionné. Nous avons invité des intervenant·e·s de l’UNESCO, des professionnel·le·s de secteurs variés et des alumni de différents pays ». 

Aujourd’hui, le club HOME est devenue une association, et le même projet aura lieu au Sénégal cette année. Pour Maria Luisa, ses deux expériences avec l’Université de Kigali ont été très riches :

C’est une grande satisfaction de pouvoir partager nos compétences techniques, de voir des gens qui n’ont pas du tout d’expérience dans le domaine parvenir à se servir d’outils digitaux, à développer des applications, à apprendre à construire des prototypes, à contribuer aux Objectifs de Développement Durable et à en être fier ! Et je me dis que cela leur sera utile. », se réjouit-elle. « Il ne manque plus qu’à passer à l’échelle pour que ces programmes puissent s’appliquer au plus grand nombre, et pour cela nous avons besoin du soutien des universités et des institutions.

Après son Master au Learning Planet Institute, Maria Luisa travaille dans des startups de l’EdTech puis du e-learning à Paris. Elle s’installe en Espagne et est aujourd’hui chargée des projets d’innovation au Festo Digital Hub de Barcelone. « J’aime beaucoup ce que je fais. Je travaille sur l’éducation, la gamification des process plutôt que des produits. Au quotidien, je suis coordinatrice de l’incubateur, je rassemble les nouvelles idées. Je teste ces innovations et les conçoit en tant que produit minimum viable (Minimum Viable Product, MVP). Mon expérience avec la S.T.E.A.M School et HOME au Learning Planet Institute ont été déterminantes. »

C’est là-bas que j’ai appris des techniques comme le design thinking, dont je me sers au quotidien dans mon travail.

Une chose est sûre : Maria Luisa n’a pas fini de se passionner pour l’innovation et de faire avancer l’éducation.


A PROPOS DE LA S.T.E.A.M SCHOOL

La S.T.E.A.M School était un programme franco-indien né de La collaboration entre le Learning Planet Institute et un markerspace indien : le Maker’s Asylum. Il rassemblait 100 étudiant·e·s indien·ne·s et français·e·s aux différents horizons dans des markerspaces. Un makerspace est un tiers-lieu de type atelier de fabrication numérique, évolution du hackerspace, ouvert au public.

A PROPOS DE L’EDTECH

Les technologies de l’éducation (EdTech en anglais, pour Educational technology) désignent l’ensemble des nouvelles technologies permettant de faciliter l’enseignement et l’apprentissage1. On parle alors de technologies pédagogiques qui permettent d’apprendre de nouveaux contenus sous une forme ludique, stimulante et innovante. Le terme EdTech, est né de la contraction d’« éducation » et de « technologie ».

Source : Wikipédia

EN SAVOIR PLUS

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Cette publication s’inscrit dans le cadre de la Chaire UNESCO « Sciences de l’apprendre», établie entre l’UNESCO et Université Paris Cité, en partenariat avec le Learning Planet Institute. Les idées et opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs. Elles ne représentent pas nécessairement les vues de l’UNESCO et n’engagent en rien l’Organisation.


Un portrait écrit par Marie Ollivier
Merci à Maria Luisa Serrano d’avoir répondu à nos questions !

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